14 février 2007

La Seconde Guerre Mondiale et l’Union Soviétique

The New International, mars 1940

La Seconde Guerre Mondiale et l’Union Soviétique
(Résolution soumise le 1er mars 1940 par la Minorité du Comité Politique du SWP)

Tiré de New International, Volume 6 Numéro 2, Mars 1940, page 64.
Traduction à partir du texte en ligne : http://www.marxists.org/history/etol/newspape/ni/vol06/no02/minority.htm


1. La présente guerre, qui a commencé avec l’invasion de la Pologne par l’armée allemande le 1er septembre de l’année dernière, est une nouvelle lutte entre les grandes puissances pour le re-partage de la Terre ; pour l’hégémonie sur le continent européen, et en particulier pour la domination sur la majorité de l’humanité opprimée, vivant dans les colonies et semi-colonies d’Afrique, d’Asie, d’Océanie, et d’Amérique Latine. Ainsi, dans ses aspects décisifs, la présente guerre a le même caractère général que la guerre de 1914-18, en apparaissant cette fois sur la base d’un conflit et d’une dégénérescence sociale bien plus aiguës et désespérés. Toutes les tentatives de décrire cette guerre, du point de vue d’un quelconque des participants, comme étant menée pour les droits à l’autodétermination nationale (Pologne, Finlande), dans l’intérêt de « la démocratie contre le fascisme »(Grande Bretagne, France), pour « briser la mainmise de la ploutocratie capitaliste » (Allemagne), pour « la libération socialiste » ou « la défense de la révolution prolétarienne russe » (Union Soviétique), sont seulement des moyens social-patriotiques pour cacher aux masses le caractère véritable de la guerre, pour enrôler les masses dans le soutien à l’un ou l’autre participant ou groupe de participants.

2. Du caractère socialement réactionnaire de la guerre, il découle la stratégie que les socialistes révolutionnaires ont l’obligation d’adopter en ce qui la concerne. L’orientation révolutionnaire peut être résumée comme LA STRATEGIE DU TROISIEME CAMP. Cette stratégie envisage la lutte à l’échelle mondiale contre la guerre, contre tous les gouvernements belligérants et toutes les armées belligérantes, et pour la révolution socialiste internationale. Les troupes de l’armée potentielle du troisième camp se trouvent parmi les travailleurs et les paysans pauvres, les femmes et les jeunes, dans tous les pays, parmi la population asservie des colonies, semi-colonies, nations soumises, à travers le monde, tous ceux qui n’ont que la souffrance, la faim et la mort comme perspective dans la guerre, et pour lesquels seule la révolte socialiste contre la guerre peut offrir la solution.

Les rangs de l’armée du troisième camp seront forgés par le rejet de tout soutien à l’un quelconque des gouvernements et armées en guerre, par la poursuite résolue de la lutte de classe dans tous les pays, sans tenir compte de son influence sur la fortune des fronts militaires, et par le combat pour la libération des peuples des colonies et semi-colonies.
Les slogans qui guident le troisième camp peuvent se résumer ainsi :
CONTRE LA GUERRE !
POUR LA PAIX PAR LE SOCIALISME !
POUR L’INDEPENDANCE NATIONALE DES PEUPLES OPPRIMES PAR LE MOYEN DES ETATS-UNIS SOCIALISTES D’EUROPE !
POUR DES ETATS-UNIS SOCIALISTES DES AMERIQUES !
POUR UNE AFRIQUE LIBRE !
POUR UNE ASIE LIBRE !
POUR UNE FEDERATION MONDIALE DES REPUBLIQUES SOCIALISTES !

3. L’Union Soviétique participe intégralement à la guerre impérialiste mondiale pour le re-partage de la planète. Les révolutionnaires russes et les masses russes en général ne désirent ni n’accueillent favorablement la guerre de Staline. Les travailleurs et les paysans soviétiques et les peuples opprimés nationalement d’URSS exprimeront leur mécontentement et leur haine de la bureaucratie contre-révolutionnaire et de sa guerre prédatrice par un mouvement d’opposition contre la guerre – la seule base réelle pour le renversement révolutionnaire de Staline dans la guerre actuelle. Le caractère réactionnaire de sa participation à la guerre est également démontrée par :
- la politique et les buts du gouvernement et de l’armée soviétiques- l’expansionnisme bureaucratique- qui, en aucune façon, ne font pas avancer ou défendre les intérêts du prolétariat russe ou mondial, mais au contraire sont uniquement dans l’intérêt de la préservation et de l’extension des pouvoirs, privilèges et revenus de la bureaucratie ;
- le caractère de l’alliance avec l’Allemagne ;
- et par les effets de cette participation qui ne favorisent aucunement les conditions préalables à la révolution socialiste – par-dessus tout, la lutte indépendante du prolétariat et des peuples coloniaux pour le pouvoir, la liberté et le socialisme- mais qui, au contraire, éliminent ces conditions.

La guerre actuelle de Staline n’est pas plus une « guerre de défense de la propriété nationalisée » que celle de Daladier n’est en « défense de la démocratie ».

4. Les socialistes révolutionnaires sont donc obligés de réviser leur conception antérieure de « défense inconditionnelle de l’Union Soviétique » qui, dans les conditions de la guerre actuelle, mène à une stratégie qui est en opposition directe avec les intérêts de la révolution socialiste mondiale. La stratégie générale du troisième camp s’applique au gouvernement et à l’armée soviétiques comme aux autres puissances belligérantes. Dans certains cas concrets comme, par exemple, celui de l’invasion de la Finlande, nous mettons en avant des slogans tels que « Retrait de l’Armée Rouge de Finlande !», « Stop à la guerre ! » etc. …Les slogans POUR UNE UKRAINE SOVIETIQUE LIBRE !, et pour la liberté des autres nationalités non russes au sein de l’Union soviétique qui le souhaitent, POUR LE CONTROLE OUVRIER SUR L’INDUSTRIE ! POUR LA DEMOCRATIE OUVRIERE ! A BAS LES PRIVILEGES ! POUR LE RENVERSEMENT DE LA BUREAUCRATIE ! et la lutte pour telle ou telle autre revendication économique ou sociale des travailleurs et des paysans, sans égard pour ses effets sur les opérations militaires, combinés avec l’orientation internationale proposée par les mots d’ordre généraux appliqués à la guerre, cette orientation seule répond aux besoins des masses russes, y compris la défense véritable de la propriété nationalisée et son utilisation pour un développement socialiste, et elle fusionnera leur lutte avec celle des masses du monde entier pour la PAIX PAR LE SOCIALISME.

5. Il n’est pas possible de donner par avance une réponse détaillée à toutes les hypothèses variées sur les développements futurs de la guerre. Mais, par exemple, si les ennemis actuels de l’Allemagne devaient affronter l’Armée Rouge sur le sol russe ou non russe, comme extension de leur opposition à l’aide russe fournie à l’Allemagne et à l’expansion bureaucratique stalinienne – c'est-à-dire, si le caractère de la participation de la Russie à cette guerre devait rester le même (tel que décrit au point 3), notre position présente resterait inchangée. Néanmoins, si le caractère de la guerre change d’un conflit inter impérialiste, dans lequel l’Armée Rouge agit comme un pion au service de l’une des puissances impérialistes et comme l’instrument de l’expansion bureaucratique, à une guerre déterminée par une politique impérialiste et capitaliste de destruction de la propriété d’Etat soviétique et par la réduction de la Russie au rang de colonie – c'est-à-dire, si elle est déterminée par l’antagonisme mondiale entre l’impérialisme capitaliste et l’économie nationalisée soviétique- notre position devrait changer en accord avec le changement dans le caractère de la guerre. Dans une telle guerre, la bureaucratie stalinienne, en dépit du fait qu’elle continuerait à défendre, à sa manière propre, son pouvoir et ses revenus, mènerait une guerre progressiste.

La classe ouvrière révolutionnaire devrait dans ce cas adopter la position de défense de l’Union Soviétique. Notre position serait dictée par les intérêts du prolétariat mondial qui coïncident avec la lutte pour la défense de la propriété nationalisée soviétique contre sa liquidation par une quelconque puissance impérialiste. La défense de l’Union Soviétique serait menée par nous d’une manière indépendante, sans abandonner à aucun moment la lutte politique contre la bureaucratie contre-révolutionnaire.

6. Aux Etats-Unis, notre ennemi principal demeure chez nous. La tache spéciale du Socialist Workers Party est celle de la résistance à toutes les tentatives de la bourgeoisie et de son gouvernement, et de la bureaucratie ouvrière et des social-patriotes, d’exploiter les crimes du stalinisme pour l’identifier au socialisme révolutionnaire, et pour stimuler un état d’esprit en faveur de la guerre impérialiste parmi les masses et entraîner le pays dans la guerre.