22 juin 2008

Le CRA de Vincennes détruit par les flammes


Le Centre de Rétention Administrative de Vincennes est le lieu principal d'enfermement en région parisienne des sans-papiers en instance d'expulsion. L'essentiel des batîments où sont parqués les sans-papiers ont été détruits par un incendie aujourd'hui.

La tension était très vive dans le centre depuis la mort par malaise d'un détenu, samedi, alors que le co-détenu qui partageait sa cellule avait alerté les gardiens sur l'état de santé de cette personne.

Déjà, en fin d'après midi, certains médias ont commencé à nous abreuver de nouvelles sur un "incendie criminel". S'il s'avérait que cet incendie avait été déclenché par les emprisonnés, on ne saurait l'assimiler à un acte criminel mais bien à un acte de révolte légitime de la part d'êtres humains soumis à un traitement dégradant, menacés du renvoi vers la mort dans leur pays d'origine pour certains, vers la maladie et la misère pour la plupart. Souvent avec le déchirement de familles ou de couples, consécutif à l'aveuglement bureaucratique de la machine à expulser.

Ce qui est criminel aujourd'hui, c'est bel et bien la politique d'expulsions de Sarkozy appliquée avec zèle par le ministre Hortefeux.

Ce qui est criminel, c'est bel et bien la politique commune européenne qui a détruit le droit d'asile, quel qu'en soit le motif (politique, économique, écologique, sanitaire).

Ce qui est criminel, c'est la politique du gouvernement français, de concert avec les instances européennes, de durcissement des conditions faites à l'immigration.

Il est utile de souligner au passage que ces personnes ne sont pas des criminels. Elles sont transformées en "criminels" par la politique globale qui vise à mettre sous pression l'immigration, ainsi que les personnes issues de l'immigration. Cette politique n'a qu'un seul but : permettre une exploitation accrue de l'immigration, notamment des sans-papiers, pour tirer vers le bas l'ensemble des salariés en France.

Maintenant que le centre de rétention est parti en fumée, la meilleure solution pratique et politique est celle de la libération des personnes en "rétention administrative".


Régularisation de tous les sans-papiers !
Pour changer de politique, une seule issue : virer Sarkozy et son gouvernement !

A tous les militants syndicaux !

Les militants syndicalistes de Militant se sont réunis le dimanche matin 15 juin et ont adopté le texte suivant :

A tous les militants syndicaux.

Ce qui s'est passé à partir de la "position commune" élaborée et signée par le MEDEF, la CGPE, la CGT et la CFDT est éloquent : ce texte a servi de base à l'attaque frontale par Sarkozy de la réglementation du temps de travail, en faisant primer les accords d'entreprise contre les conventions collectives et le droit du travail.

D'un coté, le gouvernement attaque le droit de grève, dans les transports et maintenant à l'école. En même temps, par le "dialogue social", il passe une camisole de force aux organisations syndicales, mais cela dans la mesure où leurs dirigeants sont consentants !

"Position commune", "protocole de dialogue social", "protocole sur les objectifs de la négociation", "diagnostics partagés" ... Tout cela, ce n'est pas de la négociation, c'est l'association de l'Etat et du capital avec le travail pour le ligoter. Non à la camisole de force, oui au rapport de force !

Salaires, retraites, services publics : ça suffit ! Dans toutes les entreprises, dans la jeunesse, chez les personnes âgées, monte la protestation contre la baisse du niveau de vie. C'est tous ensemble le même jour qu'il faut faire grève et se rassembler contre le patronat et le gouvernement.

Mais pour cela, il faut rompre avec le "dialogue social", facteur d'affaiblissement et de division. On ne gagnera pas sur nos revendications si l'on craint de combattre et de battre Sarkozy !

Il est nécessaire que les militants syndicaux se relient les uns aux autres, formant un réseau pour s'informer mutuellement, pour empêcher nos syndicats d'être ligotés dans la camisole et pour être prêts quand viendra l'heure de l'action.

* * * * *

Discussion.

Le but de ce texte n'est pas d'être un appel ou une déclaration de plus mais de servir d'introduction à la prise de contact avec des militants et responsables de tous les syndicats, en dehors des identités idéologiques que chacun peut bien sûr exprimer, pour s'opposer aujourd'hui au "dialogue social" qui n'est rien d'autre que la camisole de force que Sarkozy veut passer aux organisations de la classe ouvrière, ce qui ne serait possible qu'avec le consentement de leurs dirigeants, et pour être à même demain -pas après-demain ! - d'agir dans la lutte des classes la plus directe, en mieux qu'en 1995, en 2003 et en 2006.

Car c'est cela que la camisole de force du "dialogue social" veut empêcher : ligoter les militants, les délégués, capables de faire l'unité et de construire l'union des travailleurs contre les patrons et contre Sarkozy.

Le Canard Enchaîné de mercredi dernier, faisant écho aux discussions qui vont montant dans les rangs de la CGT, cite le vote du congrès de l'UD du 93 où une motion (voir ci-dessous) rejetant la "position commune" a fait un score significatif (mais se trompant dans le score : selon le Canard, la motion contre a fait 110 voix sur 233, en fait c'est 51 voix contre 123 et 59 abstentions), cite un "proche de Thibault" donnant ce que l'on peut considérer comme l'argumentation ultime -lorsqu'on les force à argumenter, ce qu'ils essaient d'éviter ! - en faveur de toutes ces signatures de "positions communes", "protocoles sur le dialogue social" et autres "cadres de négociation" :

"Nous avons le choix entre dialogue et affrontement. Mais ceux qui veulent aujourd'hui l'affrontement doivent aussi compter nos forces. En face, il y a des gens qui n'attendent qu'un choc frontal pour nous laminer, comme en 2003. Est-ce que nous y sommes prêts ? "

Reprenons cette "argumentation".

1. "Nous avons le choix entre dialogue et affrontement".

Mais avons-nous le choix ? Si Sarkozy cherche l'affrontement, à quoi sert la poursuite désespérée du "dialogue" ? De plus, le "dialogue", c'est quoi ? Car il y a négociation et négociation. On négocie, éventuellement à reculons, ce n'est pas déshonorant, sur la base d'un rapport de force. Mais négocier, ce n'est pas la même chose qu'affirmer une "position commune" avec le MEDEF sur la "modernisation des relations sociales". Ou que, comme viennent de le faire le SNES et le SNEP (les syndicats des lycées et collèges de la FSU) avec notamment la CFDT et l'UNSA, accepter de signer avant toute négociation que le but de celle-ci est de "rechercher le consensus le plus fort du corps social autour du concept d'un nouveau lycée" (sic!), ce "concept" lancé par Sarkozy début juin sous le nom de "lycée à la carte", ce qui veut dire comme l'immense majorité l'a très bien compris, Bac à la carte et donc sans valeur ! Le "dialogue social" ici, ce n'est pas la négociation, c'est la collaboration sur des objectifs communs. En 1940, les "syndicalistes" qui tenaient ce raisonnement sont allés à la table de la Charte du travail avec Pétain. Les syndicalistes restés syndicalistes, pas forcément révolutionnaires, sont restés, eux, sur le terrain des revendications, dussent-ils pour cela entrer dans la clandestinité !

La négociation -la vraie- repose sur un rapport de force. Cela s'appelle la lutte de classe. Sous la phrase "Nous avons le choix entre dialogue et affrontement", le "proche de Thibault" voudrait faire passer en contrebande l'idée que le choix c'est entre lutte de classe et association entre syndicats et patronat, syndicats et Etat. Il explique sans doute aussi que le "dialogue" c'est moins violent. Faux : le "dialogue social", c'est la pire des violences contre l'indépendance de la classe ouvrière et le rôle de ses syndicats.

2. "Mais ceux qui veulent aujourd'hui l'affrontement doivent aussi compter nos forces".

Nous venons de démontrer que même si nous avions de très faibles forces, cela nous interdirait certes l'affrontement immédiat mais ne nous autoriserait pas à tout brader dans le "dialogue social". Mais cela dit, banco, comptons donc nos forces.

On connaît à cet égard la litanie : "8% de syndiqués en France". Mais ce n'est pas nouveau et c'est dans un contexte traditionnel très différent des pays ou la syndicalisation est la condition de l'accès aux droits et aides sociales, ce que l'on oublie souvent de préciser. Cela étant, nulle raison de nier que la syndicalisation est faible voire absente dans les petites et moyennes entreprises, et que cela est un très gros problème. Mais connaît-on la statistique des grèves dans les PME depuis 6 mois ? Justement non. Elle est sans aucun doute la plus forte depuis 30 ans. Les grèves, et les réactions moins visibles à la baisse du pouvoir d'achat et à la flexibilité, n'ont jamais été aussi fortes. Les jeunes scolarisés sont, par vagues successives, tous entrés dans la bataille dans l'année écoulée. Les retraités aussi. Les cheminots ont fait dix jours de grève reconductible cet automne alors que B. Thibault avait accepté dés le départ un "dialogue social" à la manière de Sarkozy ! En effet, comptons nos forces ...

Certes, quand le "dialogue social" sabote et sert de caution à la division syndicale, comme le mardi 17 juin, les forces mises en branle sont plus faibles, et encore même là, vu les conditions, elles manifestent la disposition au combat de la CGT profonde, des militants, de la vraie CGT, comme la manifestation du dimanche 18 mai avait montré la disposition au combat de la FSU profonde, de la vraie FSU ...

C'est le dialogue social qui affaiblit les forces, la voila la vérité !

3. "En face, il y a des gens qui n'attendent qu'un choc frontal pour nous laminer, comme en 2003."

Remarquons qu'en 2003, ils ne nous ont pas laminés. Ils nous ont infligé une défaite sérieuse avec la loi Fillon contre les retraites, alignant les fonctionnaires à leur tour sur les 40 annuités et instaurant pour tout le monde l'allongement indéfinie de la vie au travail, et avec la décentralisation. Mais c'est nous qui avons failli les laminer. Pour cela, il n'a manqué que l'extension de la grève aux principales entreprises ou le fait que la manifestation géante à Paris de fin mai ait lieu non un dimanche mais en semaine et vers Matignon ou l'Elysée. Il n'aurait pas fallu des jours d'affrontement pour les laminer, mais une offensive centrale et unie bien ciblée. De même, en 2006 nous en étions proches et le retrait du CPE, ainsi que l'affaiblissement du CNE, ont bel et bien été arrachés. Dans les deux cas, ceux qui nous ont empêché de laminer ces Messieurs, en ouvrant une nouvelle situation politique qui certes n'aurait rien réglé par elle-même, mais aurait permis aux travailleurs d'aller plus loin y compris sur le terrain politique, ce sont les mêmes dirigeants qui aujourd'hui nous expliquent qu'on n'a pas le choix et qu'entre l' "affrontement" et le "dialogue social", il faut choisir ce dernier !

Si au pouvoir ils cherchent l'affrontement il ne faut pas s'y soustraire, il faut s'y préparer. L' "affrontement", ce n'est pas forcément les barricades, les émeutes et la fumée. C'est tout simplement tous ensemble au même moment contre un même adversaire. Tout simplement !

4. "Est-ce que nous y sommes prêts ? "

Quand le dirigeant syndical "proche de Thibault" pose cette question, il souffle sa réponse à lui, qui est : non, nous dirigeants, non seulement nous n'y sommes pas prêts, mais nous faisons tout pour l'empêcher, pour imposer le "dialogue" à la place de l' "affrontement" !

Or, le même nous explique que Sarkozy en fait cherche de toute façon l'affrontement ! Alors à quoi joue-t-il ?

Si l'état des forces était mauvais, comme il veut nous le faire croire, il ne faudrait pas de "dialogue social", mais un repli syndical dans les entreprises, dans les administrations, au plus prés des revendications, dans l'indépendance. Mais si nous étions aussi mal portant, Sarkozy aurait déjà gagné et il n'aurait pas de raison de rechercher un affrontement : les deux arguments se contredisent !

Donc en réalité, ce que nos dirigeants organisent, c'est la victoire de Sarkozy dans l'affrontement qui aura bel et bien lieu !

Ce qu'il nous faut organiser, c'est sa défaite, en associant directement les militants de toutes les organisations, sans et contre le "dialogue social".

Source : Militant-Lettre de liaison N°26 du 20 juin 2008