26 mai 2006

Iran : ni agression US ni répression théocratique !

Iran : ni agression US ni répression théocratique !

Comme à la veille de l'invasion de l'Irak, l'administration Bush instaure un climat de peur pour préparer l'opinion publique à un autre acte d'agression - cette fois-ci contre l'Iran. Il y a trois ans c'était le spectre de Saddam Hussein flanqué de ses armes de destruction massive ; aujourd'hui c'est l'invocation d'une possible bombe atomique iranienne. L'objectif immédiat de Washington est de conduire le Conseil de sécurité de l'ONU à adopter des sanctions contre l'Iran et, selon toute probabilité, à justifier une attaque militaire contre les installations nucléaires de Téhéran -une opération qui pourrait s'appuyer sur Israël. La Maison blanche va jusqu'à mettre la catastrophique "option nucléaire" sur la table -à savoir l'emploi d'armes nucléaires tactiques pour détruire les installations iraniennes, en dépit du fait que beaucoup d'entre elles sont situées prés de centre de population civile. Quoiqu'une invasion totale de l'Iran semble particulièrement difficile à envisager au moment présent, il ne saurait faire de doute que les néoconservateurs de l'administration Bush ont une grande vision stratégique qui comporte l'éventualité d'un "changement de régime" à Téhéran sur la route de l'expansion du pouvoir impérial US.

Nous sommes résolument opposés à l'occupation américaine de l'Irak : il y a eu assez de désespoir et de souffrances pour la population irakienne, des dizaines de milliers de morts, la descente aux enfers de la guerre civile et de la terreur exercée par les éléments les plus oppresseurs de la société irakienne -ainsi que les 2400 soldats US morts et les milliers de blessés. Et voila qu'en plus, le gouvernement américain voudrait attaquer l'Iran, ce qui a d'abord pour effet de terroriser les Iraniens et d'affaiblir l'opposition intérieure aux mollahs. Les déclarations selon lesquelles c'est pour promouvoir la démocratie dans ces pays ne sont que pure hypocrisie ; le seul intérêt de l'administration Bush dans cette affaire, c'est le pouvoir et c'est le contrôle des ressources. Nous, attachés au combat pour que les peuples d'Irak et d'Iran gouvernent leurs propres sociétés, conquièrent les libertés civiles et les droits des femmes, des homosexuels, des travailleurs, et des minorités ethniques, sommes pour cela même engagés dans le combat contre les menaces actuelles contre l'Iran et pour le retrait immédiat des forces US d'Irak.

Nous aussi, nous voulons voir un changement de régime à Téhéran, mais cela n'est possible que par l'action du peuple iranien lui-même, pas par Washington. Voila 26 ans que l'Iran est opprimé par une théocratie répressive. Sous les apparences formelles de la démocratie, le pouvoir réel est aux mains d'une oligarchie cléricale non élue ; tous les candidats aux élections doivent recevoir son imprimatur, et sa domination s'appuie sur des gangs de brutes religieuses. Le président Ahmadinejad est un négationniste de l'Holocauste qui appelle à la destruction d'Israël.

Les femmes iraniennes sont privées des droits humains élémentaires. Elles ne peuvent s'habiller, travailler, se déplacer ou choisir leurs époux librement. Le "crime d'honneur" est légal, et la loi permet de les pendre et de les battre à mort pour des "relations coupables [non-chastes]". Des millions de femmes iraniennes s'efforcent de contourner ces interdictions et y parviennent en partie, et un nombre relativement faible souffre des plus extrêmes conditions. Les femmes ont le droit de voter et de siéger au parlement, et se trouvent en proportion significative dans les universités et les lieux de travail. Il n'en demeure pas moins que peu de pays au monde peuvent se vanter d'avoir un tel arsenal légal contre les femmes.

Les travailleurs qui tentent une grève ou la formation de syndicats indépendants sont souvent violemment réprimés. Beaucoup n'ont pas reçu leurs salaires depuis des mois voire des années. Les tentatives d'organisation sont fréquemment attaquées par des bandes de mercenaires armées de couteaux, les forces de sécurité et l'armée. En dépit de cette répression, les travailleurs persistent à s'organiser et les syndicats indépendants prennent pied.

Si dans beaucoup de pays l'homosexualité est hors la loi, en Iran elle est passible de la mort et des pogroms vicieux sont organisés contre les homosexuels dont beaucoup sont torturés, battus et exécutés publiquement. Le gouvernement organise campagne massive de traque sur Internet, les victimes sont l'objet d'une surveillance constante, chassées de leurs emplois, arrêtées, soumises à chantage pour les forcer à révéler les noms d'autres homosexuels. La torture est employée pour les forcer à avouer des crimes qu'ils n'ont pas commis. Les Basijis et autres forces religieuses parapolicières kidnappent les homosexuels, séquestrés et torturés pour donner des noms. Mis sur des listes noires, ils ne peuvent quitter le pays. Et l'Iran maintenant entreprend d'exporter sa croisade anti-homosexuels en Irak.

Ces dernières années la résistance a grandi dans la société iranienne, particulièrement parmi les travailleurs contre les privatisations et le chômage et dans la jeunesse à l'encontre de la répression sociale et politique. Cette résistance porte la promesse et l'espoir d'une transformation démocratique radicale de l'Iran. La menace d'actions militaires et de sanction extérieures -et spécialement l'horrible menace de frappes nucléaires- ont seulement pour effet de grouper la population autour du régime et de lui donner des prétextes pour réduire au silence les dissidents, contenir ce processus potentiellement révolutionnaire et renforcer l'extrême-droite cléricale. Les menaces US ne servent qu'à légitimer les armes nucléaires pour le peuple iranien.

Aux termes du Traité de Non-Prolifération, l'Iran a le droit de développer une capacité nucléaire civile, quoi qu'en dise l'administration Bush. Certains d'entre nous sont opposés à l'emploi du nucléaire par tout pays, tant pour des raisons environnementales qu'à cause de ses liens avec les armes nucléaires -mais tel n'est pas l'objet de la confrontation présente entre les E.U. et l'Iran. Quoi qu'il en soit des raisons de douter des allégations de Téhéran sur sa volonté de développer le nucléaire comme nucléaire civil, l'Iran en a encore probablement pour quelques années pour être en capacité de produire des armes nucléaires. Et si Téhéran acquiert la bombe, il ne fait pas de doute que si les ayatollahs, qui détiennent le pouvoir réel, décidaient de s'en servir ce serait du suicide. Israel détient 200 à 300 têtes nucléaires capables de frapper l'Iran, sans compter les milliers que les Etats-Unis pourraient utiliser. Il n'y a malheureusement pas de garantie que l'Iran, ou tout autre Etat disposant de cette arme, n'en usera pas contre d'autres. Aussi longtemps qu'existeront ces armes barbares, elles pourront être utilisées, et plus il y aura de pays en leur possession plus le risque grandira qu'elles soient utilisées.

Nous sommes donc opposés aux efforts de Téhéran pour acquérir des armes nucléaires. Mais tant qu'une poignée de nations s'arrogera à elle-même le droit exclusif de les posséder, celles qui en sont privées ressentiront leur menace et voudront s'en procurer -comme l'exemple de la Corée du Nord l'a montré, en dépit du Traité de Non-Prolifération. De plus l'Iran, menacé par les E.U. depuis deux décennies et membre éminent de la liste noire des membres de l'"axe du mal" selon Bush, peut opter pour quitter le Traité de Non Prolifération.

C'est une rupture avec le bellicisme de Washington qui constitue l'élément décisif nécessaire pour éviter que Téhéran rejoigne le "club" nucléaire. Au delà la seule voie pour enrayer la prolifération, c'est que les puissances nucléaires désarment -voilà bien là une chose à laquelle l'administration Bush comme celles qui l'ont précédée de l'un ou l'autre parti se sont refusé de faire, bien que les E.U. soient signataires du Traité de Non-Prolifération où il est stipulé que "Chacune des Parties au Traité s'engage à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire et sur un traité de désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace." Simultanément les puissances nucléaires devraient oeuvrer à la formation de zones sans armes nucléaires dans le monde, spécialement au Moyen Orient dangereux et instable.

Nous en appelons à une nouvelle politique étrangère démocratique américaine envers les menaces représentées pour nous tous par les réseaux terroristes et par les armes de destruction massive, promouvant une véritable démocratie au Moyen Orient et ailleurs, par :

* Le renoncement aux interventions militaires pour étendre et promouvoir le pouvoir impérial US, et le retrait des troupes et des bases US au Moyen Orient.

* La fin du soutien US à des régimes dictatoriaux et corrompus, comme ceux d'Arabie Saoudite, des Etats du golfe et comme l'Egypte.

* L'opposition à toutes les formes de terrorisme -ceux d'Al Qaeda, des commandos de la mort irakiens, et des kamikazes palestiniens, comme ceux des forces liées aux Etats-Unis telles que les paramilitaires colombiens et les troupes israéliennes dans les territoires occupés- aussi bien qu'aux brutalités et humiliations infligées chaque jour aux Irakiens par les forces américaines d'occupation et qu'aux sinistres menaces envers l'Iran.


* Le soutien au droit à l'autodétermination nationale pour tous les peuples du Moyen-Orient, y compris les Kurdes, les Palestiniens et les Juifs israéliens. Arrêt du soutien à l'occupation israélienne de la Cisjordanie et de l'oppression du peuple palestinien.

*Pour des initiatives unilatérales de renonciation aux armes de destruction massive, armes nucléaires comprises, et la promotion vigoureuse d'une campagne pour un traité de désarmement international, au lieu de faire obstruction au moindre effort de mettre fin à la course aux armements.

*Abandonner les efforts pour imposer, via le FMI et la Banque mondiale ou unilatéralement, les politiques économiques néolibérales de privatisation et d'austérité qui plongent dans la misère une grande partie du monde. Engager un programme massif d'aide directe aux populations.

La majorité du peuple de notre pays a maintenant conscience que l'invasion de l'Irak fut un désastre et qu'elle a été systématiquement trompée par l'administration Bush pour l'entraîner dans la guerre, et elle est pour le moins circonspecte envers les nouvelles interventions militaires au Moyen Orient. En même temps s'ensuit une tactique de la peur de la part du gouvernement pour générer un soutien populaire à des attaques aériennes contre l'Iran. Il est d'autant plus impératif de s'exprimer contre les menaces de Washington, de renseigner l'opinion publique, et d'organiser l'opposition à l'agression contre l'Iran, aussi bien que pour un retrait immédiat et complet d'Irak. Il est temps d'exiger une nouvelle politique étrangère démocratique pour les Etats-Unis, résolument orientée vers la solidarité avec les aspirations des peuples à la liberté ou que ce soit, renonçant une fois pour toutes aux interventions impériales, et s'engageant dans un réel désarmement.

Appel publié notamment dans The New York Times, The Nation, The Progressive.

Responsables de Campaign for Peace and Democracy:
Joanne Landy, Thomas Harrison, Jennifer Scarlott.

Premiers signataires :
Michael Albert, Tom Ammiano, Stanley Aronowitz, Rosalyn Baxandall, Eileen Boris, Jeremy Brecher, Noam Chomsky, Ariel Dorfman, Martin Duberman, Rusti Eisenberg, Carlos R. Espinosa, Samuel Farber, Mansour Farhang, Barbara Garson, Larry Gross. Mina Hamilton, Thomas Harrison, Howie Hawkins, Adam Hochschild, Nancy Holmstrom, Doug Ireland, Joy Kallio, Larry Kramer, Joanne Landy, Jesse Lemisch, John Leonard, Sue Leonard, Rabbi Michael Lerner, Nelson Lichtenstein, Norman MacAfee, Marvin & Betty Mandell, David McReynolds, David Oakford, Barbara Watson Pillsbury, Henry Pillsbury, Frances Fox Piven, Nancy Romer, Ruth Rosen, Peter Rothberg, Matthew Rothschild, Jennifer Scarlott, Jay Schaffner, Sydney Schanberg, Stephen R. Shalom, Wallace Shawn, Meredith Tax, Cornel West, Cora Weiss, Peter Weiss, Edmund White, Reginald Wilson, and Howard Zinn.

Site Internet : http://www.cpdweb.org/

Traduction en français par la Lettre de Liaisons

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