15 avril 2006

Nécrologie : Stefan Piekarczyk

Stefan Piekarczyk
Par August Grabski

Le 16 février 2006, Stefan Piekarczyk est mort d’un cancer à Varsovie. Stefan était un socialiste, un trotskiste, un traducteur et un économiste.

Il était né en 1955 et avait grandi dans une famille polonaise de Glasgow et c’est là qu’il avait rejoint la section britannique de la Quatrième Internationale, l’International Marxist Group (IMG).

A la fin des années 70’, Stefan était venu en Pologne pour étudier. Il a été l’une des personnes les plus importantes (aux côtés de Ludwik Hass) pour la reconstruction du trotskisme en tant que courant de la gauche polonaise. Il a été actif en tant que journaliste de gauche au sein du syndicat Solidarité en 1980-81, puis sous la loi martiale, il a été l’éditeur de journaux clandestins de gauche, au risque d’une peine de prison et d’une expulsion de Pologne.

En 1987, il a été l’un des cofondateurs du Courant de la Gauche Révolutionnaire (CGR), un groupe illégal qui était aussi en solidarité politique avec les trotskistes organisés dans la Quatrième Internationale. Il fut actif dans cette organisation jusqu’à sa mort.

En 1991, Stefan a participé à la publication en polonais de La Révolution Trahie de Léon Trotsky. De même en 1991, il participa au lancement du magazine socialiste Dalej ! (En Avant !) pour lequel il utilisait le nom de plume de Jan Sylwestrowicz. A ce jour, 41 numéros de Dalej ! ont été publiés.

Les années 1990 ont été un moment difficile pour les gens ayant une perspective anti-capitaliste. D’une part, ils devaient faire face à l’héritage du passé et d’autre part, ils devaient affronter la trahison du programme des intérêts des travailleurs par les dirigeants de Solidarité. Cela contribua à l’isolement des trotskistes par rapport à un plus large milieu social. La survie de la gauche anti-capitaliste en Pologne, jusqu’au regain d’activité avec le mouvement « altermondialiste », fut en grande partie facilitée par la publication du magazine Dalej ! dirigé (en particulier au début des années 1990) par Stefan.

Stefan a aussi inspiré le premier ouvrage universitaire sur le mouvement trotskiste, débarrassé des déformations et de la désinformation staliniennes (2003).

En avril 2004, il a été parmi les principaux organisateurs de la Conférence Anti-Sommet de Varsovie « Pour une Europe Sociale », au moment où le Forum Economique Européen se déroula à Varsovie.

En octobre 2004, il a été l’un des porte-parole représentant la gauche anti-capitaliste polonaise au Forum Social Européen de Londres.
Stefan Piekarczyk s’est toujours considéré comme un militant de la Quatrième Internationale. Malheureusement, la direction de la Quatrième Internationale a déçu le Courant de la Gauche Révolutionnaire.

Quand, en 1999, le CGR a exclu l’un de ses membres du fait de son comportement fortement anti-démocratique, cette personne fut capable d’utiliser ses contacts personnels avec les experts du travail en Europe de l’est de la Quatrième Internationale pour priver le CGR du statut de section de la Quatrième Internationale. Plus de 20 camarades furent vendus par ces spécialistes pour sauver un ami personnel.

Les procédures démocratiques au sein de la Quatrième Internationale se sont révélées être une fiction et les soit disant experts n’ont toujours construit aucun groupe en Pologne ou dans un quelconque pays de l’Est depuis 1989.

En tant que militant politique, Stefan a toujours été opposé à toute collaboration avec les “post-communistes” dans lesquels il voyait les fossoyeurs du socialisme authentique et l’avant-garde de la restauration capitaliste en Pologne. Il a toujours été partisan de l’unité de la gauche radicale en Pologne, et pour cette raison, il a soutenu l’activité du CGR en tant que courant du PPS-RD (Parti Socialiste Polonais – Révolution démocratique) à la fin des années 1980 et en tant que courant de la Nouvelle Gauche à partir de l’automne 2005.

Pour les mêmes raisons, il était un sympathisant de l’alliance pluraliste de la gauche radicale en Europe occidentale : l’Alliance Rouge et Verte au Danemark, le Bloc de gauche au Portugal, et – en dépit de son attitude critique à l’égard de la politique anti-démocratique du SWP – de Respect en Angleterre.

Bien que Stefan ait été un trotskiste orthodoxe convaincu, il était ouvert à la collaboration avec les autres militants de gauche anti-staliniens et tolérait les différences politiques au sein d’une même organisation anti-capitaliste. Aussi accepta-t-il le tournant pris en 2004 par une partie des militants du CGR de collaborer avec l’Alliance for Workers’ Liberty. Pour lui, ce qu’il y avait de plus important était le combat politique commun contre le capitalisme et pour les droits des travailleurs.

Il était une personne modeste, dépourvue d’ambitions personnelles en politique ; il a toujours subordonné ses souhaits personnels à la cause politique du socialisme. Il était un homme bon et noble. Une nuit, (il travaillait la nuit comme traducteur) il se querella au téléphone avec une camarade femme de l’organisation. Vers 2 heures du matin, il acheta un bouquet de fleurs et traversa toute la ville pour frapper à sa porte et venir s’excuser.

Le Courant de la Gauche Révolutionnaire perd l’un de ses dirigeants mais aussi un ami sincère, quelqu’un sur lequel on pouvait toujours compter.

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