22 avril 2007

Une introduction à Max Shachtman

Max Shachtman a été l’un des deux plus éminents porte-parole et représentants du mouvement trotskiste aux Etats Unis de la fin des années 20’ au début des années 60. L’autre était James P. Cannon. Mais Shachtman est plus connu pour son rôle dans la scission qui survint dans le mouvement trotskiste au début de la Seconde Guerre Mondiale.

Tandis que les historiens académiques et les journalistes rabaissent de façon routinière les opposants au New Deal de Roosevelt et en particulier à la politique vers la guerre de celui-ci, au rang de « conciliateurs », d’« isolationnistes », de profascistes ou tout simplement de fêlés, en ce temps-là, l’opposition la plus ouverte et la plus efficace à cette administration est venue de la gauche.

Les Partis socialiste et communiste, nouvellement revigorés par la catastrophe de la Grande Dépression, les militants des nouveaux syndicats d’industrie du CIO, les dirigeants de la campagne pour les droits civils des Afro-américains, et même de nombreux libéraux de gauche virent le New Deal comme seulement une tentative pour sauver le capitalisme de la banqueroute en faisant le minimum de réformes nécessaires pour décapiter la révolte. Et les préparatifs de guerre de ce même régime furent vus par ces mêmes forces comme une sinistre tentative de détournement de la révolte anticapitaliste croissante en une répétition sanglante et démoralisante de la Première Guerre Mondiale.

Les trotskistes, bien que peu nombreux, exercèrent une influence considérable sur la gauche parce qu’ils combinèrent un engagement féroce pour la révolution avec un rejet méprisant des chants et de la brutalité du régime de Staline, comme de ses tentatives évidentes de parvenir à des accommodements avec les états capitalistes au moment même où il liquidait non seulement les gains réalisés par la Révolution d’Octobre mais aussi les révolutionnaires eux-mêmes. Les talents de polémiste et d’écrivain deShachtman contribuèrent grandement à cette cause. Son exposé des Procès de Moscou fut l’un des moments phares de la campagne contre la chasse aux sorcières déclenchée contre les dirigeants de la Révolution d’Octobre.

Le pacte Hitler-Staline de 1939 jeta la confusion parmi toutes les tendances politiques mais il fut dévastateur pour le mouvement trotskiste. Trotsky lui-même avait anticipé la possibilité d’une telle alliance avec l’un ou l’autre des grands blocs. Savoir si Staline choisirait l’Axe ou les Alliés serait déterminé par des considérations du moment mais pas de principe. Mais Trotsky avait aussi espéré que cette alliance s’accompagnerait de concessions majeures envers le capitalisme quelque soit l’allié choisi parStaline. Néanmoins, le pacte Hitler-Staline fut accompagné d’une campagne agressive contre la classe capitaliste en Pologne et des tentatives de faire de même en Finlande.

La question devint alors : devons-nous, nous les trotskistes, soutenir ou non ce régime qui exproprie la classe capitaliste et incorpore de nouvelles régions au sein du nouvel ordre collectiviste. Ce régime est-il encore, d’une certaine façon, de «notre côté » ? Shachtman se mit à la tête de ceux qui optèrent pour un «Troisième camp » de la classe ouvrière et des opprimés en général à la fois contre les vieux états capitalistes et contre la nouvelle classe exploiteuse engagée dans la lutte pour la puissance.

Shachtman lui-même n’était pas un innovateur ou un éclaireur dans ces développements politiques. Le vieux trotskiste Joseph Carter et le dirigeant des Jeunesses socialistes qui avait rejoint les trotskistes,Hal Draper, étaient plus affirmés théoriquement et Shachtman eut tendance à les suivre. Mais son prestige en tant que porte-parole dirigeant du mouvement trotskiste aux USA et à l’étranger força à prendre en considération sérieusement ce nouveau mouvement. Et de plus, Shachtman fut toujours un brillant polémiste et popularisateur et sa personnalité énergique fit de lui un formidable opposant.

Pendant la Seconde Guerre Mondiale et la période MacCarthiste, les adhérents de la tendance du « Troisième Camp » jouèrent un rôle éminent hors de proportion avec leur nombre dans les syndicats, dans les mouvements pour les droits civils, pour les libertés civiles et anti-guerre. En particulier, durant la Seconde Guerre Mondiale, quand les libéraux de concert avec le Parti communiste et sa périphérie devinrent des apologistesacritiques de l’administration Roosevelt et de ses attaques contre l’indépendance syndicale et contre les droits civils, attaques qui jetèrent les bases pour la période MacCathy qui devait venir ensuite, Shachtman et ses camarades furent parmi les rares forces efficaces de dissidence. (1)

Malheureusement, il y a une triste note à la carrière de Shachtman. Au début des années 50, il amorça une évolution vers la droite en réponse au climat décourageant de la Guerre froide. Il termina en tant que supporter de la Guerre froide (Cold Warrior) et en apologiste de l’aile Meany de l’AFL-CIO. Mais ceci ne saurait diminuer la valeur de ses contributions antérieures au mouvement.

Ernest Haberkern (2)
Source : http://www.marxists.org/archive/shachtma/intro.htm

Notes :

1) Le livre de Nelson Lichtenstein
Labor’s War at Home constitue le seul compte-rendu détaillé et sérieux de cette histoire importante en grande partie occultée.

2) Ernest Haberkern est le responsable du Center for Socialist History de Berkeley Sur le web : http://csh.gn.apc.org/