15 avril 2007

Une déclaration de Karel Kostal, militant de Solidarité Socialiste de Prague

Nous publions une contribution de Karel Kostal, militant socialiste tchèque, sur la question de l'Europe, alors que dans l'actuelle campagne présidentielle, rien n'est dit par les "grands" candidats sur ce sujet après le rejet du TCE lors du référendum du 29 mai 2005. Quelque soit le résultat des élections françaises, présidentielles et législatives, la question européenne, celles des alliances avec les USA, de la présence militaire US dirigée contre la Russie et la Chine, vont revenir sur le devant de la scéne et exiger une réaction commune des travailleurs d'Europe, contre les dangers de guerre et contre les attaques sur les droits sociaux et démocratiques.
La rédaction.



DES BASES AMERICAINES DE MISSILES
EN RÉPUBLIQUE TCHÈQUE ET EN POLOGNE !
CONFIRMATION DU BIEN FONDÉ DU « NON »
AU TRAITÉ CONSTITUTIONNEL !


Des fusées américaines en Europe !
Plusieurs informations concernant l’avenir de l’Europe, soigneusement cachées à ses citoyens, ont attiré mon attention depuis quelques jours. Elles concernent la future présidence tchèque de l’Union Européenne de 2009. Ses préparatifs démarrent sur les chapeaux de roues.

Le Premier ministre ultralibéral du gouvernement de la République Tchèque, Mirek Topolanek, chef du Parti civique démocratique (ODS), s’est rendu cette semaine au siège de l’OTAN, à Bruxelles pour dire au Haut Commandement que son gouvernement « répondait favorablement » à la demande de Bush d’installer une base bouclier anti-missiles sur le territoire de la République Tchèque, elle sera la « première tête de pont américaine » de la future Europe.

Il n’est pas superflu de relever que plus de 70% des citoyens tchèques y sont opposés et qu’aucun pays de l’Union Européenne n’a été consulté ni informé. Mirek Topolanek ne s’embarrasse pas de ce genre de détails. Il affirme qu’après l’installation de la base américaine, « l’Europe deviendra une oasis de paix ». Il a également « offert » à la direction de l’OTAN des soldats tchèques pour des « missions » en Afghanistan et au Kosovo. Il a également informé le président de la Commission européenne José Barroso de la création de la « fraction commune » constituée par l’ODS et le Parti conservateur britannique au Parlement européen. Cette future coalition ultralibérale et…« europessimiste » tchéco britannique prêchera à Strasbourg « la concurrence libre et non faussée » ainsi qu’ « une politique étrangère européenne compatible avec l’OTAN ». Ce sera aussi l’occasion entre autre d’expliquer devant l’Assemblée du Parlement que « l’argent sale, ça n’existe pas » et que « l’écologie est une pseudo science ».

Scheffer, secrétaire général de l’OTAN, et Solana, responsable de la diplomatie de l’Union Européenne, affirment tous les deux : « le problème de la base militaire américaine relève exclusivement de la République Tchèque et des Etats-Unis». En d’autres termes, l’Union Européenne ne s’opposera pas à l’installation de bases militaires américaines dans les pays de l’Europe. Ceci signifie que les gouvernements des nouveaux pays membres de l’UE sont désormais « libres » d’établir des « accords bilatéraux » avec les Etats-Unis par-dessus la tête des peuples d’Europe. Ils sont libres également d’ouvrir toutes grandes les portes aux fauteurs de guerre et aux lobbies des fabricants d’armes.

Nous sommes pour une Europe indépendante dont les membres sont solidaires et construisant ensemble leur destinée. La politique internationale et de défense en est un de ses axes majeurs, c’est bien la position que nous avons défendue lors de la campagne référendaire de 2005 et que les Français ont majoritairement soutenue jusque dans les urnes.

En attendant les citoyens chèques sont fermement invités à se taire et à attendre que le ciel leur tombe sur la tête. La presse fait savoir que la Russie se dit menacée par le futur dispositif militaire américain en République Tchèque et en Pologne, et qu’en vertu de la doctrine militaire russe, « les frappes nucléaires préventives » sont d’ores et déjà envisagées et planifiées contre ces deux pays. Face à ces menaces bien réelles, le silence et du gouvernement Chirac et des candidats à la présidentielle française me laisse rêveur.

Il y a quelque temps encore, les citoyens tchèques, épris de paix et de démocratie, tournaient leurs regards vers l’Europe. A présent, l’Union Européenne les regarde avec un œil morne, l’air absent. D’une manière atone et monocorde, les dirigeants européens leur annoncent que le projet américain « ne relève que des relations bilatérales entre les Etats-Unis et les différents pays sollicités par des installations ». Les chefs européens répondent par des pirouettes : les citoyens tchèques, eux n’ont pas été sollicités, aucun pays d’Europe n’a été consulté. C’est cela désormais la construction européenne : des accords bilatéraux entre la droite belliciste de la « nouvelle Europe » et les marchands de canons étatsuniens.

Un Traité constitutionnel qui a la faveur de la droite ultralibérale !

Au sujet de la constitution européenne, le premier ministre tchèque se veut « rassurant ». Il déclare : « La République Tchèque n’a pas l’intention de bloquer le Traité Constitutionnel ». Exclamation de surprise dans les rangs des chefs de la Commission européenne. Le parti du président Klaus a toujours considéré la constitution européenne comme un document inutile, plein de clauses sociales nuisibles. Obnubilés par leur propre brio, les chefs de l’ODS qualifient parfois le traité constitutionnel de document cryptobolchevique (sic) ! Du reste, la droite tchèque considère l’U.E. comme étant sous le contrôle des communistes, des socialistes et des autres syndicalistes.

Alors, pourquoi ce revirement ? Pourquoi le traité constitutionnel serait-il aujourd’hui acceptable ? Pourquoi l’U.E. deviendrait-elle enfin fréquentable? Pourquoi la droite dite eurosceptique est-elle en train de s’accrocher aux wagons des « amis de la constitution » ?

La constitution européenne est certes aux yeux de la droite capitaliste tchèque et européenne encore selon eux « encombrée de clauses sociales inutiles et nuisibles », mais elle est susceptible d’être améliorée, c’est-à-dire rendue plus libérale. Aux yeux du gouvernement Klaus-Topolanek, le document contient aussi quelques valeurs inestimables, par exemple l’article 1-41, qui prévoit que la politique de défense de l’Union Européenne devra être compatible avec la politique de défense arrêtée dans le cadre de l’OTAN. Cette possibilité de soumettre la construction européenne à l’OTAN et aux USA, par l’intermédiaire de la Constitution européenne, n’a assurément pas échappé au gouvernement belliciste de Prague.

La ratification de ce traité ferait basculer par voie de conséquence l’Europe dans la dépendance des USA par la voie de l’OTAN. C’est précisément ce que souhaite la droite ultralibérale de la « nouvelle Europe ». Elle se servira avantageusement, d’une manière ou d’une autre, du traité constitutionnel actuel, pour poursuivre et réaliser ses propres visées bellicistes aux côtés d’un Bush en Europe. Les dirigeants européens couvrent ces activités d’un silence pesant.

Une étape inquiétante : la présidence tchèque de l’Union en 2009

La droite tchèque régnante souhaite ardemment la présence massive de mercenaires américains en République Tchèque d’abord, dans l’Union Européenne ensuite. Elle veut être protégée par les USA et l’OTAN. Le Parti civique démocratique (ODS) est une association de nouveaux riches, parvenus qui se sont enrichis avec les privatisations souvent frauduleuses, par prévarication, vols, malversations qui n’ont pas connu de précédent dans l’histoire de ce pays.

Avec cette coterie au pouvoir, la société tchèque est livrée quotidiennement au pillage et à toutes les horreurs de la corruption généralisée. Cette nouvelle couche sociale, extrêmement soucieuse de son aisance matérielle, veut se placer sous la protection de l’armée américaine et les forces de l’OTAN. La « menace terroriste » iranienne et nord-coréenne vient à propos. Le drapeau américain flottant au-dessus de la base anti-missiles à quelques dizaines de kilomètres de Prague, symboliserait aux yeux de tous les nouveaux possédants de la République Tchèque « la victoire finale du capitalisme » et « la fin de l’Histoire ».

La grande majorité des citoyens tchèques est contre les bases américaines chez eux. Les manifestants, eux, de plus en plus nombreux, exigent que cette question soit soumise à un référendum. Les autorités de Prague nous font savoir « qu’il est trop tard » car le gouvernement et la majorité de droite au Parlement ont eux-mêmes déjà décidé. Si le gouvernement Klaus-Topolanek peut traiter avec un tel mépris l’avis majoritaire des citoyens tchèques, il entendra demain mépriser aussi bien l’opinion des peuples d’Europe lorsqu’il exercera la présidence de l’U.E. en 2009.

Les masques tombent. La présidence tchèque de l’U.E. sera dangereuse pour la démocratie et pour les valeurs européennes, bien au-delà de ce que l’on peut imaginer. Nous ne pouvons et ne voulons effacer de tels faits de la conscience européenne. La droite tchèque, à l’instar de la droite de la « nouvelle Europe », souhaite à présent la désintégration politique du continent européen. Elle souhaite que ce qui peut exister d’Europe politique vole en éclats et que les pays de l’U.E., les uns après les autres, établissent des accords bilatéraux avec les USA. L’Europe des Lumières, de la paix, de la justice sociale, des libertés démocratiques, est menacée par ce qui s’avère être une régression obscurantiste. Laisser à cette droite tchèque, ultralibérale, antidémocratique, antisociale et belliciste, la présidence de l’Union en 2009 est un acte politique grave. Les « élites libérales » européennes vont assurément permettre à la droite tchèque de compromettre gravement la construction de l’U.E. à laquelle aspire la grande majorité des peuples.

Avec le bouclier antimissile américain, à deux étapes de course cycliste de Strasbourg, la construction d’une Europe pacifique et démocratique serait sacrément compromise, je n’hésite pas à le dire.

Se préparer aux nécessaires affrontements à venir : solidarité avec la résistance du peuple tchèque !

Nous, le 29 mai 2005, nous nous sommes prononcés pour une autre Europe. Nous devons encore expliquer ce choix et dire encore sa nécessité. Nous avons le devoir de dire partout et clairement que nous ne voulons pas d’une présidence qui menace la paix en Europe et dans le monde. Sur ce point, je crois utile de rappeler combien le peuple français qui a rejeté ce projet de Traité constitutionnel est parfaitement fondé à manifester un tel refus.

Face à cette droite tchèque qui poussera durant sa présidence, à la domination des USA et à la vassalisation de l’Europe, il faut se préparer lucidement à poser la question de l’illégitimité de la future présidence tchèque, en supposant que l’actuelle coalition de va-t-en guerre soit encore au pouvoir à Prague en 2009. Cette bataille sera obligatoirement une campagne en direction des citoyens français, épris de paix et de démocratie, désemparés aujourd’hui par l’atonie de la gauche du « non ». Agissons donc plutôt que d’attendre qu’un nouvel abîme nucléaire s’ouvre sur nos frontières !

En République tchèque nous assistons à un premier véritable réveil citoyen depuis la chute du mur de Berlin. Tout revient à savoir à présent comment opérer la jonction entre le « non » massif des peuples français et hollandais et le « non » tout aussi massif du peuple tchèque aux fauteurs de guerre en Europe.

Une première rencontre européenne pour une Assemblée Constituante a eu lieu les 23 et 34 février à Paris, à l’initiative de Jean-Luc Mélenchon et de nos amis de PRS. Cette première démarche a posé les jalons d’un durable rapprochement des peuples d’Europe. Notre délégation, venue de Prague, a été reçue fraternellement.

La bataille contre les bases militaires américaines en République Tchèque se présente donc en fait à nous comme une étape vers une prise de conscience authentiquement européenne, en rupture avec la construction européenne antidémocratique actuelle. Les citoyens tchèques doivent s’emparer de cette initiative, mais ils ne peuvent parvenir à leur objectif sans l’appui des autres peuples d’Europe, dans ce qui est finalement l’affaire de tous.

Karel KOSTAL, Solidarité Socialiste Prague, PRS Isère 38
Le 15 mars 2007