25 février 2006

L'Union nationale étouffe la protestation

Depuis que nous avons publié notre billet du 22 février, dénonçant le caractère anti-sémite du meurtre du jeune Ilan Halimi, les événements se sont accélérés au point que, dorénavant, on nous annonce la participation de Sarkozy et de Le Pen à la manifestation appelée dimanche après-midi à Paris. Le PCF et le MRAP, prétextant cette participation indésirable, retirent leur signature.

Comment en est-on arrivé là ?
Le mardi 22, nous soulignions l'erreur commise par une organisation comme la LCR qui, sous prétexte de ne pas voir "dévoyer la mobilisation", décidait de ne pas mobiliser. Cette attitude partait fondamentalement d'un relativisme douteux, celui de la négation des tendances anti-sémites à l'oeuvre dans la société française actuelle, notamment à travers l'action des courants religieux et politiques proches de l'Islam politique, autour de la question de la Palestine comme autour d'autres thèmes.

Ce n'est qu'après avoir eu la certitude qu'une partie de la gauche s'exclurait de toute mobilisation que Sarkozy a annoncé sa participation à la manif de dimanche.

Dans la foulée, on a eu droit à la désormais traditionnelle "marche silencieuse des communautés" conduite par les curés de tous bords, comme à Bagneux. Ou à la transformation d’une cérémonie religieuse, par nature d’ordre privé, en une célébration publique nationale de la mémoire du supplicié. Au mépris de la laîcité institutionnelle censée régir ce pays depuis 1905.

C’est donc en faisant preuve d’une inertie hors de propos qu’une partie de la gauche a ouvert la voie à l’enchaînement suivant : pas de manif, pas d’initiative de la gauche, mais déroulement du tapis rouge aux célébrations religieuses, puis transformation de la manifestation du 26 février en opération d’Union nationale.

Cette orientation de la gauche prétendument radicale revient à ne combattre ni l’influence des courants anti-sémites de l’Islam politique au sein des populations d’origine ou de culture arabo-musulmane, ni celle des dirigeants communautaires juifs qui veulent enfermer les Juifs dans un statut de communauté assiégée, condamnée à chercher son salut du seul coté d’Israel, ni celle des religieux de tous poils censés enseigner la vertu et les bonnes manières au peuple rabaissé au statut de brebis égarées attendant le bon berger divin, ni la prétention de la droite au pouvoir à lutter contre l’anti-sémitisme, symptôme de la crise sociale purulente.

Cette passivité revient en fait à une acceptation de tout l’ordre établi. En continuité avec le vote pour Chirac de la LCR, du PCF et du PS le 5 mai 2002 : si Chirac pouvait nous protéger de Le Pen en mai 2002, alors il est logique de laisser penser que Chirac et son ministre de l’Intérieur peuvent nous protéger de l’anti-sémitisme en 2006.

L’étape suivante : ce sera l’enfermement du combat contre le CPE et la destruction du Code du travail dans un cadre purement syndical, économiste, mouvementiste, avec le refus de poser la question de virer Chirac et son gouvernement et leur assemblée aux ordres, illégitimes et minoritaires.

Cela était-il fatal ?
Non !
Si la gauche avait la volonté d’unir les travailleurs et les jeunes contre les plaies de cette société d’inégalité et d’injustice, elle aurait appelé immédiatement à manifester dés la confirmation du caractère anti-sémite de ce meurtre. Elle aurait refusé de voir les curés, les rabbins, les imams et les pasteurs se placer comme guides spirituels des marches silencieuses.
Elle aurait contesté la prétention de Sarkozy à s’inviter, lui dont les services déclaraient lundi dernier qu’en vouloir à « l’argent des Juifs »…ce n’était pas de l’anti-sémitisme.

Mais pour cela, il faut avoir la volonté de se débarrasser du régime en place, clé de voûte d’institutions qui ne peuvent que gouverner pour les patrons, pour les capitalistes, pour la bourgeoisie, générateurs de chômage, de précarité, d’exclusion, de misère, de discriminations, de souffrances dont les effets cumulés entraînent ceux qui les subissent dans la haine aveugle dont la logique première n’est pas forcément la rationalité et la lucidité.

Pour cela, il faut avoir un autre horizon que celui d’un mouvement de masse censé être suffisamment puissant pour imposer des reculs significatifs au patronat et au gouvernement, mais patientant poliment dans le respect du calendrier institutionnel, pour 2007 voir 2008 !

Signal d’alarme
Nous mettons en garde les militants de toute la gauche : encore un ou deux épisodes comme celui-là, et on aura une victoire de la droite en 2007 !

Si la manifestation de dimanche apparaît à cette heure comme définitivement gâchée, il reste à en tirer les leçons et à ne pas rater le mouvement contre le CPE. C'est-à-dire à viser le départ des Chirac-Villepin-Sarkozy, gérants du système générateur de chômage, de discriminations et de la peste raciste.

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